JOUR 1, départ de El Hierro aux Canaries
Départ du petit port de La Restinga sur El Hierro vers 11h du matin. Ça y est, fini les Canaries ! C’est avec un brin d’émotion et sous la grisaille installée depuis 3 jours que nous quittons cet archipel, qui nous a ravi de bien des façons.
En premier lieu,il faut s’extirper du dévent de l’île de El Hierro qui s’étend sur une quinzaine de milles au sud. D’après les fichiers météo, une fois cette zone de vent calme dépassée, nous devrions avoir un vent assez stable de nord-nord-est pendant une journée et demi de 10 à 15 nœuds, avant qu’il ne passe nord-est en forcissant à 20 nœuds jusqu’à notre arrivée au Cap-Vert. Et c’est exactement ce qu’il s’est passé !
Après 3 bonnes heures de moteur, le vent monte légèrement jusqu’à s’établir vent arrière tribord amure à 10 nœuds. Les derniers jours de calme ont laissé une mer calme avec une longue et faible houle d’ouest qui doit venir des dépressions d’Atlantique Nord. Parfait, nous envoyons le spi en milieu d’après-midi et comme les conditions restent calmes, nous nous permettons de le laisser porter toute la nuit. Génial !
JOUR 2
C’est toujours sous spi que la deuxième journée se déroule tranquillement. Nous faisons un cap un peu plus à l’ouest que la route directe afin d’attraper des vents un peu plus puissants, pour nous permettre d’empanner et de faire route directe par la suite.
Aujourd’hui, je rage car plusieurs dorades coryphènes mordent à la traîne mais comme le bateau file à 6,5 nœuds sous spi, je tente de les remonter sans ralentir le bateau et à chaque fois, après des sauts hors de l’eau, les poissons réussissent à se décrocher ! 3 poissons ratés !! Je me dis que c’est peut être l’hameçon qui n’est pas assez grand pour ces poissons.
Pendant ce temps, on sent le vent et sa houle qui se lèvent doucement mais sûrement… On arrive dans la bonne zone, il faudra changer de cap, ça sera pour cette nuit. Donc avant le coucher de soleil, on affale notre spi après une bonne trentaine d’heures dehors et 150 milles parcourus en 24 h!
Même si nous n’attrapons pas de poissons, nous mangeons bien à bord ! 🙂 On s’est fait un petit-déjeuner anglais avec des beans et du bacon !
Des croque-monsieur maison !
Et tout un tas de plat à base de riz et de pâtes, ici du riz avec des poireaux fondus… Excellent pour manger le soir venu !
JOUR 3
Eh bien, ça y est, on se fait brasser depuis qu’on fait cap au 195° en bâbord amure. Nous préférons faire route sous GV seule la nuit afin de nous orienter vent arrière (entre 15 et 20 nœuds), dans le sens des vagues mais ensuite avec le génois un peu plus lofé en journée afin d’accélérer. Aujourd’hui, changement de leurre pour tester un poisson nageur avec des hameçons triples. Mais pas une seule touche avec celui-ci, est-ce à cause de la plus forte houle ou ce leurre ne plaît-il pas aux poissons ?
En revanche, en milieu de matinée, pile au moment où je voulais prendre la barre pour m’amuser un peu dans les vagues (car sinon c’est notre pilote automatique qui barre tout le temps, heureusement tout de même car au bout d’une heure j’en ai mal aux bras !), on croise 2 petits cachalots (entre 7 et 10 m) à 10 m seulement du bateau ! Eux nous avaient repéré de loin je suppose et ont du modifier leur trajectoire afin de nous éviter.
Aujourd’hui, ce sont aussi les poissons volants qui font leur spectacle ! Ils sautent et volent en petit escadrons entre les vagues désormais bien formées. C’est joli à voir en journée mais cette nuit, nous changerons d’avis sur eux… en effet, c’est Anaïs qui a eu la première surprise pendant son quart, une attaque en règle, des poissons kamikazes qui s’écrasent partout sur le bateau et dans le cockpit ! Sympa l’odeur de poissons et les écailles partout sur le bateau au lever du jour ensuite…
JOUR 4
Le vent est bien stable depuis hier et monte jusqu’à 25 nœuds. Désormais, certains embruns arrosent le pont. Il faut évacuer quelques cadavres de poissons volants mais les écailles restent bien accrochées partout, on verra une fois arrivés pour nettoyer.
Je vais passer le plus clair de mon temps à l’intérieur du bateau jusqu’au Cap-Vert, ne voulant pas être trop humide, je préfère rester à lire dans le canapé !! Je sors juste la tête toutes les 15 min pour vérifier qu’il n’y a pas de bateau à l’horizon. À ce propos, nous n’avons croisé qu’un seul bateau en 4 jours donc on ne se stresse pas trop pour les quarts. Anaïs, elle, préfère s’habiller en tenue de voile pour passer un peu de temps dehors afin de ne pas tenter le diable avec le mal de mer, qui n’a pas encore fait son apparition sur cette traversée. Le temps commence à être long…
Je suis repassé sur mon leurre en forme de poulpe rouge, qui semble bien attirer les dorades, reste plus qu’à réussir à les remonter. Hélas, aujourd’hui encore, des touches mais pas un seul poisson à bord ! J’ai la poisse… si quelqu’un à des conseils à me donner, n’hésitez pas, car je veux vraiment en ramener moi des coryphènes ! Je suis sûr qu’il faudrait commencer par ralentir le bateau mais ça implique beaucoup de manœuvres au portant dans 25 nœuds avec des vagues, on ne peut pas juste se mettre en travers au vent sinon on se fait brasser à fond.
JOUR 5
Une nouvelle nuit vient de se terminer. Comme il avait fait un peu gris hier et que je n’avais pas fait tourner le moteur pour recharger un peu les batteries, c’est le pilote automatique qui m’a informé à la prise de mon quart de l’état critique des batteries, avec un bip puis la coupure de tout le système !! Au moment de redémarrer le moteur, problème il ne veut pas. Il n’y a plus assez de batterie pour le lancer alors que normalement, il a une batterie indépendante qui ne devrait pas se décharger, bizarre… Heureusement, le soleil commençait à se lever, et après une heure à la barre, j’ai pu relancer le moteur grâce aux panneaux solaires.
Il va falloir revoir tout mon parc batterie et le circuit pour comprendre pourquoi… et peut être pour améliorer la production d’énergie car on est trop juste avec nos 200W de panneaux solaires, pour être autonome en navigation avec le frigo.
Après 3 bonnes journées de surf dans les vagues, avec une moyenne de 160 milles par 24h, on prévoit enfin notre arrivée au Cap-Vert pour le lendemain matin tôt, aux alentours de 7h, heure des Canaries (5h local).
Il fait plus chaud pendant cette traversée qu’entre Gibraltar et les Canaries, pas besoin d’être dehors en tenue de voile complète à tout moment. Espérons que pour la traversée de l’Atlantique, on pourra même rester en maillot la journée !
JOUR 6, arrivée à Palmeira sur l’île de Sal, au Cap-Vert
Arrivée devant Palmeira très tôt le matin, avec le lever du jour. Nous avons mis environ 117h, soit en tout 4 jours et 21h pour rallier l’île de Sal. On tourne un peu devant l’entrée de la baie, en attendant un peu plus de luminosité. En effet, il semble y avoir une digue de plus que ce qui est dessiné sur notre carte, il vaut mieux y voir quelque chose avant d’entrer dans le mouillage.
Une fois les premières lueurs de l’aube bien installées, nous avançons dans la petite baie, qui est remplit de bateaux, certains sur ancre, d’autres sur bouées. Au début, nous mouillons mais presque aussitôt, un bateau français s’en va et nous hèle de loin, en nous conseillant de prendre un corps mort (car le vent souffle fort en journée). Nous nous amarrons donc à une bouée au milieu du mouillage, puis commençons à préparer nos papiers pour aller faire nos formalités administratives dans le petit port.
A Palmeira
A peine débarqués en annexe (sur une plage peu accueillante, jonchée de détritus et de poissons ports – vives les petits ports de pêches!), un Cap-Verdien vient à notre rencontre et se présente comme Jay (espérons que cela s’écrit comme ça!) , celui qui s’occupe de tout ce qui concerne les bateaux mouillés ici. C’est un peu la capitainerie ambulante de Palmeira ! 🙂
Après nous avoir conseillé d’amarrer notre annexe au ponton, même s’il est en travaux, et de bien cadenasser notre moteur (ce que nous faisons régulièrement), il nous explique en parlant bien français et avec plein de sympathie qu’il s’occupe d’accueillir les bateaux, de les amarrer si besoin et qu’il surveille le mouillage. Il propose de remplir l’eau à bord, depuis sa barque et des bidons qu’il transporte, il récupère les poubelles des plaisanciers, peut amener du diesel et surtout, il peut même recharger les bouteilles de gaz !
Une aubaine, car nous n’étions pas sûr avec nos réserves de tenir jusqu’en Martinique, notre prochaine étape française où nous pensons retrouver les mêmes embouts pour nos bouteilles de gaz de 6kg. Nous avons en effet à bord 2 bouteilles de gaz de 6kg et une petite Camping-gaz de 3 kg environ. Nous aurions aimé embarquer des bouteilles de 13 kg, dont le système est plus international et plus facile à recharger à l’étranger, mais il n’y a pas la place dans le bateau pour ces bouteilles…
Formalités administratives
Bon, avant de penser aux ressources, il nous faut d’abord régulariser notre venue au Cap-Vert. Jay nous envoie directement régler nos papiers au poste de police du village. C’est aussi là qu’ils enregistreront notre bateau, gardant malgré nous les papiers originaux de Manwë ! Jay nous explique plus tard que normalement, ils doivent les garder ici tout le temps que nous sommes sur Sal, même si nous mouillons ailleurs avec le bateau autour de l’île. Mais nous n’avons aucune envie de revenir à Palmeira par la suite pour récupérer nos papiers. Jay nous dit alors de préciser que nous nous rendons directement sur Boa Vista, l’île suivante, et de ne rien dire de plus. C’est donc ce que nous ferons, au moment de partir de la petite ville quelques jours plus tard.
Malheureusement pour nous, nous n’aurons pas plus de chance au poste de police qu’à notre arrivée, ce n’est jamais la bonne personne qui est là ! Il nous faudra quasiment deux jours pour récupérer les papiers du bateau, en disant bien que l’on quitte Sal. Il faut savoir être patient ici… Au final, ce n’est pas bien compliqué mais ça peut être vraiment long. Enfin, pas comme pour un couple de Français arrivé le matin même, qui profite des policiers présents et appelés pour nous, pour régler leur situation entière en moins de 10 min ! La vie est injuste ^^
Avant de partir, on nous donne aussi un document attestant notre départ et nous demande de le remettre aux autorités sur Boa Vista. Si sur chaque île, on garde nos papiers et s’il faut refaire les mêmes démarches, on ne s’en sort pas ! Nous verrons bien, de toute façon, nous ne comptons retourner au port qu’à Mindelo sur la dernière île visitée.
On comprend mieux depuis notre arrivée au Cap-Vert, au fil des jours, la devise locale : « No Stress ! », entendue régulièrement à Palmeira dès que les locaux s’adressent à nous. Tout se passe doucement, il ne faut pas être pressé pour quoi que ce soit, ce sera fait au pire le lendemain. A Palmeira, il n’y a pas grand-chose à faire, quelques courses, deux boutiques de souvenirs et une pour récupérer des cartes SIM pour le téléphone.
Espargos, la capitale de Sal
On peut se rendre à la capitale à quelques km, Espargos, en taxi ou en montant dans des van, qui font office de bus/taxi collectif. Les conducteurs vous hèlent en criant « Espargos », il est impossible de ne pas en trouver en moins de 5 min ! Cela revient à 100 escudos pour deux personnes l’aller jusqu’à la ville (en gros 1 € pour deux). Là-bas, pas grand-chose de plus, mais il y a des banques pour retirer de l’argent.
Note : Quelques magasins ou bars acceptent même les euros, c’est plus avantageux pour eux au niveau du taux de change. Au final, nous remarquons que les courses ne sont pas forcément données, c’est même un peu cher pour certains produits.
A Espargos, on peut monter en haut de la colline où se situent les antennes de communication, il y a un point du vue sur la plupart de l’île, bien aride, avec quelques volcans qui émergent par ci, par là.
Nous quittons Palmeira après quelques jours sur place et après avoir profité de la soirée hebdomadaire, le dimanche soir, qui anime le petit village. Des habitants des villes avoisinantes y viennent pour l’occasion ! Les bars sont ouverts, il y a une sorte de petite discothèque où la musique retentit dans presque tout le village. L’ambiance est vraiment sympa ! On peut acheter des brochettes et des hamburgers faits au barbecue, pour quasiment rien (2,5 € le hamburger + frites). Ou goûter au rhum arrangé ou à une liqueur de fruits (sorte de smoothie local alcoolisé) au bar du coin, pour 1 € le verre. 🙂
Avant de partir, nous avons eu la chance d’avoir notre bouteille de gaz remplie, comme Jay le proposait. Un matin, il nous prend une des deux bouteilles de 6kg vide, et revient dans l’après-midi, après l’avoir remplie on ne sait pas trop comment… Il y a une usine Shell juste à côté de la plage, mais nous ne comprenons pas bien s’il a pu la remplir là-bas ou à Espargos. Bref, peu importe, nous sommes maintenant certains de pouvoir cuisiner et manger chaud jusqu’aux Antilles !
Bon, en tout cas, tous les services proposés par Jay ne sont pas gratuits, certains ne sont même pas donnés du tout… L’eau, par exemple, c’est assez cher, environ 6€ les 100 L. Pour le gaz, nous avons payé 15€. Et pour les nuits sur la bouée, cela revient à 3€ la nuit (ça, ça va par contre!).
Maintenant, direction une baie plus au sud, pour y mouiller et y rester quelques jours ! La vie va être beaucoup plus tranquille ici qu’aux Canaries, où nous visitions quasiment tous les jours. Ici, c’est plutôt farniente sur le bateau mais ça nous convient aussi bien 🙂
Bravo