On ne peut pas vraiment parler de journée type car les conditions sont particulières à chaque sortie en mer. En ce moment, nous sommes aux Antilles et naviguer dans les canaux entre les îles n’est pas chose aisée. Entre les accélérations du vent, les grains, la houle qui peut se lever, le courant… On ne peut pas comparer avec une sortie en mer en Méditerranée par exemple !
Nous avions envie de vous faire partager notre quotidien quand nous partons naviguer. On vous raconte donc nos quelques heures de nav’ entre la Guadeloupe (Deshaies) et l’île d’Antigua, située plus au nord. Nous avons voyagé uniquement de jour, pas de navigation de nuit décrite ici. A vrai dire, on pensait faire cette traversée de nuit au départ, mais j’étais moyennement rassurée par les conditions dans les canaux, par vent de travers, et faire des quarts. Alors que ça fait longtemps en plus que nous n’avons pas navigué de nuit… Départ donc à l’aube pour nous !
5h40 Le réveil sonne. Aie, ça fait un peu mal ! Mais il faut ce qu’il faut, nous pensons avoir devant nous environ une dizaine d’heures de navigation entre les deux îles. Il ne s’agirait pas d’arriver après le coucher du soleil, pour mouiller dans un endroit que l’on ne connaît pas… Alors, on se motive pour sortir de la cabine !
6h00 Le soleil commence à se lever, on range les derniers objets à l’intérieur du bateau susceptibles de valser en navigation. On commence à avoir l’habitude, on est souvent au près dans les Antilles et lorsque le bateau gîte, mieux avoir tout bien rangé avant… On remonte l’annexe à l’arrière sur les bossoirs, ça y est, nous sommes prêts.
6h07 Je prend quelques photos du mouillage avant le départ. Nous n’y avons pas pensé les jours précédents, pourtant la petite baie de Deshaies, où nous sommes, au nord-ouest de Basse-Terre, est bien jolie ! Quel plaisir d’assister au lever du soleil derrière la petite ville. Et d’apercevoir (et surtout d’entendre!) respirer une tortue juste à côte du bateau !
6h17 J’allume le moteur et on se décide à monter la grand-voile, encore ancré. Comme il n’y a pas de vent en ce début de matinée dans le mouillage, c’est aussi pratique.
6h19 On hisse à deux la grand-voile, Damien en pied de mât tandis que je reprends la drisse au winch. Le premier ris est déjà mis, ce qui est très habituel lors de ces navigations antillaises.
6h22 Damien part à l’avant pour remonter l’ancre. Grâce au guindeau réparé par ses soins, on la remonte grâce à la manette et non à la main:) Je guide au moteur à l’arrière, ça y est, nous sommes décrochés, il est temps de partir ! On longe la côte nord-ouest de la Guadeloupe, sous les premiers rayons du soleil qui passent au-dessus du relief de Basse-Terre.
6h43 On déroule le génois, pas entièrement car nous ne savons pas quel vent nous allons avoir juste après avoir dépassé la Guadeloupe. Ça peut accélérer fort ! Nous n’avons pas voulu mettre la trinquette pour autant, apparemment, nous ne serons pas au près non plus. On stoppe donc le moteur, pour continuer à la voile. C’est toujours agréable de retrouver le silence et le glissement du bateau juste avec le vent. Au loin, on aperçoit les plages de Grand-Anse et de La Perle au nord de Deshaies.
6h55 On a faim ! Damien sort le petit-déjeuner, quelques tranches de pain fait maison avec de la confiture pour lui et du beurre salé pour moi. Rapidement avalé mais ça fait du bien.
7h10 Oups, un casier ait passé quasiment au ras de la coque ! Il était invisible, une pauvre bouteille d’eau plastique à demi-enfoncée dans les vagues ! Maudits casiers, il y en a tellement près des côtes guadeloupéennes. On l’a évité de peu, on aurait eu l’air fin si le bout s’était pris dans notre hélice.
7h15 Nous faisons route vers Antigua, cap au 12°. Le vent vient de travers, pile 90° et souffle à environ 15 nœuds. On file à bonne allure, Damien met la traîne en place, même si cela fait un bon moment qu’on ne croit plus aux poissons. Enfin, il n’y a pas trop de sargasses dans les environs, sait-on jamais…
7h20 1ère petite sieste et c’est Damien qui s’endort sur les coussins du cockpit. Je surveille donc, assise près de la barre à l’arrière. Mais sans barrer, hein, il faut bien que le pilote travaille aussi un peu ! Les vagues forcissent légèrement, on commence à dépasser la pointe nord de la Guadeloupe et l’îlot Kahouanne, qui nous protégeaient encore. On a bien 1m50 de creux désormais et le bateau commence à taper dans les vagues.
Le soleil commence à chauffer dans le cockpit !
7h41 Je sort mon casque bluetooth pour écouter un peu de musique pendant que Damien continue de dormir. Un vrai régal, la musique dans les oreilles pendant que le bateau avance bien, sans encombre. Rien à voir de spécial à l’horizon pour le moment, à part l’eau à perte de vue. C’est une vision toujours aussi propice à rêver, méditer, réfléchir de choses et d’autres. Quelques poissons volants, effrayés par le bateau, sautent hors de l’eau à notre passage mais ce seront les seuls animaux que nous verrons lors de cette petite traversée. Malheureusement, ni dauphins ni baleines ne viendront nous faire coucou !
8h20 Le vent monte subitement, de 15, il passe à 21 nœuds environ. Pas de quoi s’alarmer non plus mais le bateau s’agite un peu, ce qui a pour effet de réveiller Damien. Nos voiles sont bien réglées, il n’y a pas grand-chose à faire, à part comprendre qu’on risque de se faire un peu plus mouillés par les vagues !
8h30 C’est à mon tour d’aller me reposer un peu, cette fois-ci dans la cabine arrière pour être à l’abri du soleil qui arrive à passer dans le cockpit, malgré le bimini. J’ouvre le hublot car il y fait bien chaud, même si on n’est jamais à l’abri d’une éclaboussure due à une vague sournoise. Heureusement, elles me laisseront tranquilles le temps de ma sieste.
9h42 J’entends un bazar pas possible sur le pont. A moitié ensommeillée dans la cabine, je tente de reconnaître les bruits. On dirait que Damien s’amuse à enrouler puis dérouler le génois sans cesse ! S’il ne m’a appelé, c’est qu’il ne devrait pas y avoir de problème. Je sors et il m’explique qu’il a pris un 2ème ris dans la grand-voile, car le vent est monté à 25 nœuds. C’est vrai que je sentais déjà à l’intérieur qu’on était plus secoué qu’auparavant. Il aurait pu quand même m’appeler pour que je lui donne un coup de main ! Pas que ce soit la manœuvre la plus compliquée non plus.
9h57 Je tente de retourner me coucher mais la chaleur de la cabine et le mouvement du bateau auront raison de moi, je commence à ne pas me sentir très bien. Je veux assurée le reste de la navigation alors je préfère opter pour la solution médicament, un petit cachet de Mercalm, on ne sait jamais. La meilleure solution est aussi de ressortir à l’extérieur et de s’asseoir en regardant bien l’horizon, ce qui me fait beaucoup de bien, ouf!:)
10h00 Depuis mon poste fidèle, près de la barre, côté au vent, j’aperçois l’île d’Antigua. Ça y est, nous voyons notre but ! Au loin, l’île paraît déjà plus plate que sa voisine Basse-Terre en Guadeloupe. Ou même que Montserrat, que nous voyons depuis un bon bout de temps à l’ouest ! Le volcan est connu pour être encore en activité, après sa terrible explosion de 1995. Seul le nord de l’île est de nouveau habité, la partie sud, où se trouve le volcan de La Soufrière (tiens, encore un!) étant complètement interdite et sinistrée. Souvent dans les nuages (d’ailleurs, on ne sait pas si ce sont bien des nuages ou de la fumée rejetée par le volcan), on est quand même intriguée par cette île mystérieuse. Mais nous ne mettrons pas le cap dessus, ce n’est pas notre route et nous n’avons pas spécialement envie d’y aller non plus.
10h40 Damien sort un magazine, un numéro de Voiles & Voiliers donné par Pierre, son grand-oncle, avant notre départ de Deshaies. Bon, il lit 3 pages avant d’abandonner pour faire autre-chose. De toute manière, ce n’est jamais agréable de lire quand on est au près ou comme ici, par vent de travers. Surtout par vagues de travers, on se fait quand même bien secoué… Moi, je ne préfère même pas tenter !
11h20 Vague en pleine figure ! Un des inconvénients d’être postée au vent, je suis bien calée sur le bord du cockpit mais pas à l’abri des éclaboussures ou des vagues qui se fracassent sur la coque ! Celle-ci ne m’a pas manquée, je n’ai pas eu le temps de m’écarter. Résultat, je suis trempée. Heureusement, que le vent n’est pas froid par ici ! Et que les rayons du soleil nous réchauffe. Nous naviguons en tee-shirt, short, ça sèche plutôt vite.:)
12h10 En parlant de soleil, ce sont plutôt des gros nuages qui se profilent à l’horizon. Pas bon signe… Un grain en prévision ? Nous verrons bien, ils sont encore loin mais il faut s’attendre à tout. Pas besoin d’anticiper pour les voiles, nous sommes déjà sous 2 ris avec génois à moitié enroulé. On ne peut guère faire mieux, à part installer la trinquette, mais ça devrait aller.
12h15 Eh bien si, ça n’a pas loupé, le grain nous est arrivé dessus. Avec une bonne pluie comme d’habitude. Pas drôle, surtout que les gouttes sont froides, rien à voir avec la température d’une vague d’eau de mer ! Comme notre bimini n’est pas étanche, il faut s’abriter dans la descente. On en profite pour se faire quelque chose de chaud à manger, un bon bol de noodles chacun. C’est rapide, réconfortant et simple à cuisiner:) Un peu notre petite habitude de navigation en ce moment !
13h00 Après la pluie et les bancs du cockpit séchés grâce au soleil revenu, je tente une deuxième petite sieste à l’extérieur. Le coup de barre de la digestion ^^ Nous ne sommes pas loin d’Antigua, il ne nous reste pas très longtemps.
13h30 Damien me tire d’un sommeil profond mais il est vite pardonné, c’est pour me faire admirer le paysage ! Nous passons la barrière de corail au sud-ouest de l’île ! L’eau entre la barrière et la terre prend une magnifique teinte bleue turquoise. On distingue les premiers hôtels sur la côte et même un yacht à moteur qui navigue à toute vitesse derrière nous ! On continue notre route, notre objectif est d’aller mouiller devant Jolly Harbour, sur la côte ouest. Damien remonte la traîne, malheureusement, pas de poisson encore aujourd’hui. La faute aux sargasses au début puis, maintenant il faut quand même se poser la question si on a le bon leurre. On en changera la prochaine fois !
13h50 On hisse le drapeau jaune, le drapeau Q sur le système international. C’est celui qui indique que nous arrivons et que nous allons faire les démarches administratives. Nous n’avons pas par contre le pavillon de courtoisie d’Antigua. Les shipchandlers abusent, 15€ à chaque pavillon ! Et il était un peu trop compliqué pour le coudre soi-même… On continue de longer la côte ouest et ses belles plages. La baie de Jolly Harbour ne va pas tarder à se montrer ! Entre temps, il faut continuer à surveiller la carte, bien que la barrière de corail soit passée, il y a quelques rochers de ci, de là.
14h10 ça y est, nous y sommes ! Damien jette l’ancre dans 2,5 m d’eau, face à l’une des plages de la baie de Jolly Harbour. Je suis derrière à gérer avec le moteur. Nos voisins de mouillages ne sont pas si nombreux, nous sommes une petite quinzaine, principalement des Américains et des Canadiens. Il y a aussi beaucoup de bateaux de location. Damien accroche la main de fer, pour soulager la chaîne, j’éteins le moteur. Il n’y a plus qu’à ranger les voiles et descendre l’annexe de ses bossoirs, pour aller remplir notre clearance d’entrée sur l’île.
Nous avons parcouru 47 milles en 7h58 précisément, ce qui nous donne une moyenne de 5,93 nœuds. Nous en sommes bien contents ! Il faut dire que nous avons bien nettoyé la coque de Manwë avant de partir. Nous avons mis moins de temps prévu (on pensait à 10h) donc finalement, heureusement que nous ne sommes pas partis de nuit, on aurait eu l’air bête d’arriver longtemps avant le lever du soleil !