Installation d’une trinquette sur notre Océanis 390

Pour partir à travers le monde sur Manwë notre Océanis 390, il nous fallait une voile d’avant spécial gros temps. Mais également plus performante pour remonter au vent lorsque le génois est partiellement enroulé. Cette voile correspond donc à une trinquette, la nôtre choisie faisant dans les 20 m² de surface.

 

Plusieurs solutions s’offraient à nous

 

  1. Mettre en place un étai largable en acier, avec un ridoir pélican pour le mettre en tension. Puis mettre une trinquette sur mousquetons.
  2. Mettre en place un étai largable textile avec un palan 6 brins ou une cascade d’anneaux de friction, pour mettre en tension. Puis mettre une trinquette sur mousquetons.
  3. Envoyer directement une trinquette sur emmagasineur avec un bout anti-torsion dans la ralingue qui fait office d’étai textile. Dans ce cas, il est judicieux d’avoir une drisse mouflée de bonne qualité à base de Dyneema pour faciliter la mise en tension et éviter d’avoir trop d’allongement.

 

Qu’est-ce que cela implique ?

 

Dans tout les cas, il faut une cadène sur le pont. Une cadène double est idéale pour les solutions 1 et 2 car il faut fixer l’étai et la voile. Pour la solution 3, une cadène simple suffirait car l’étai et le guindant de la voile sont les mêmes.

Cadène double pour mise en place de la trinquette

La cadène double que j’ai installé en avant de la baille à mouillage

 

Sur notre Océanis 390, il y avait déjà une cadène pour le hâle-bas de tangon en arrière de la baille à mouillage. Je ne pense pas qu’elle était installée pour l’utilisation d’une trinquette qui engendre des forces énormes d’arrachement. Il faut qu’elle soit suffisamment bien maintenue sur le pont et reprise sur des parties solides du bateau (une cloison, l’étrave…) pour ne pas arracher le pont lors d’un coup de vent.

Reprise de l'effort de la trinquette sur l'étrave par un ridoir.Fixation du ridoir sur la cadène pour la reprise d'effort de la trinquette.

J’ai choisi de fixer ma cadène (une double car je n’étais pas encore fixé sur la solution) en avant de la baille à mouillage (juste derrière l’enrouleur) avec un ridoir qui reprend la tension sur l’étrave (avec un boulon à œil). C’est du solide ! Ça ma permit d’installer une cadène en U sur l’étrave qui pourra peut-être servir un jour.

Cadène en U sur l'étrave.

 

Ensuite, il faut une drisse qui sort : soit en tête de mât que l’on redescend sous le futur étai largable grâce à une poulie (ou anneau de friction), soit avec une sortie de drisse au bon niveau du mât.

Ferrure en tête de mât pour fixer la drisse mouflée et descendre le point de tire de la drisse de trinquette.

Sous l’enrouleur de génois, on voit la ferrure sur le mât pour descendre le point de tire de la drisse de trinquette et pour pouvoir fixer la fin de la drisse mouflée.

La drisse de trinquette mouflée permet une mise en tension plus efficace du guindant.

La drisse de trinquette mouflée permet une mise en tension plus efficace du guindant.

 

Pour les solutions 1 et 2, il faut installer un point d’ancrage de l’étai largable sur le mât à l’endroit voulu. Alors que pour la solution 3, il n’y a pas d’étai…

Pour la solution 2, il faudra également prévoir un palan de mise en tension de l’étai textile en bas de celui-ci sur la cadène de pont ou directement au sol.

 

Essai de l’emmagasineur de trinquette pendant les travaux à Port Saint Louis du Rhône

 

Le cas de Manwë

J’ai eu une opportunité soudaine et j’ai pu opté pour la 3ème solution. En effet, le gérant de la Voilerie Granvillaise, Eric Varin, qui suivait l’avancement de mes travaux, m’a averti qu’il avait une trinquette sur emmagasineur d’occasion en très bon état à vendre. Elle collait bien avec les dimensions de notre bateau. J’ai donc sauté sur l’occasion ! Pas besoin de confectionner d’étai, j’avais une drisse de libre en tête de mât donc il ne me restait plus qu’à descendre son point de tire.

Vue sur le point d'amure de la trinquette sur emmagasineur au près.

Trinquette à poste lors d'une remontée au près Vue sur la trinquette à poste lors d'une remontée au près.

Révision 2019 / Problème et solution

 

Lors de notre navigation corsée entre le Bélize et le Panama, notre trinquette soumise à 35 nœuds de vent s’est envolée et a arraché avec elle l’avant du pont entre la baille à mouillage et le davier. Le problème est venu de la vis, sur laquelle le ridoir était pris avec un boulon à œil, qui s’est rompu. C’était du 10mm certes mais l’erreur vient en fait de mon montage. Eh oui, celui expliqué ci-dessus mais révisé depuis en dessous !

 

En effet, j’aurais du monter la cadène en U vers l’intérieur de la baille à mouillage et non vers l’extérieur, de façon à fixer le ridoir dessus. Afin de retransmettre l’effort sur les deux pattes du U et non juste sur une seule…

Une fois la fixation sur l’étrave cassée par la trinquette, il n’a pas fallu beaucoup de temps pour arracher la mince épaisseur de pont à cet endroit là.

Une réparation (très, très) sommaire lors de notre rapide stop d’urgence sur une des Bay Islands au nord du Honduras : du scotch pour limiter l’entrée d’eau dans la baille à mouillage (qui possède déjà une petite évacuation d’eau au fond). Ce fut suffisant pour continuer les 6 jours de navigation jusqu’au Panama en utilisant ensuite le génois. Heureusement, les conditions musclées de vent s’étaient bien calmées !

 

La réparation :

 

1er étape – Reboucher et renforcer le pont

 

J’ai acheté de la résine époxy en deux composants, assez visqueuse, du tissu en fibre de verre (Mat) et du roving (tissu en fibre mais bien tissé et assez épais). J’ai utilisé également des planches en contreplaqué (déjà à bord) pour renforcer le pont.

 

Précautions et conseils :

Le travail avec l’époxy est facile. Le mélange que j’ai utilisé est de 50/50 entre les deux composants. Je l’ai fais sans mesure précise car c’était de la pâte bien visqueuse, ça fonctionne très bien. Il faut cependant faire bien attention de protéger les alentours avec des chiffons car l’époxy tâchera bien le pont ! C’est un peu comme un enfant qui joue avec de la peinture, on s’en met partout…ça colle bien dans les cheveux aussi!

 

Procédure :

Bien poncer les surfaces et enlever les parties qui ne tiennent plus. Dégraisser à l’acétone.

Couper les morceaux de contreplaqué à la bonne dimension. J’ai obtenu plus de 3 cm d’épaisseur en collant 2 plaques ensemble à l’aide de l’époxy.

Donc on les ponce légèrement pour favoriser la prise de l’époxy, on les dégraisse également à l’acétone. On colle les différents morceaux de contreplaqué l’un sur l’autre avec le mélange d’époxy. On enroule la plaque ainsi obtenue d’une épaisseur de roving, on enduit le tout, copieusement, d’époxy, sans attendre que ça sèche. On dispose le tout à l’endroit où on souhaite la coller en enduisant largement d’époxy. Pour moi, c’était sur la face intérieure de la baille à mouillage car la plaque finale est plus grande que le trou à combler, l’effort sera mieux transmit en traction.

Une fois la plaque en place, on dispose et on enduit plusieurs épaisseurs de roving et fibre de verre. On fait de même sur l’autre côté du pont de façon à avoir une surface un peu plus plane. Enfin, on laisse sécher, on nettoie bien tout ce qui a été en contact avec cette matière magique qu’est l’époxy !

Plus tard (au moins deux jours après), on pourra poncer pour rectifier l’aspect de la surface. Si vous n’êtes pas satisfait, vous pouvez toujours en remettre des couches…

 

2ème étape – Esthétique du dessus

 

J’ai ensuite collé avec du sika une plaque en époxy type circuit imprimé sur le dessus de façon à obtenir un résultat parfaitement plat sans se fatiguer à meuler l’époxy solidifié.

Enfin j’ai passé un coup de gelcoat sur le dessus pour obtenir un rendu correct.

3ème étape – Réinstallation de la cadène

 

Pour que le problème ne revienne plus, j’ai juste remis un U (c’est ce qui avait cassé) mais cette fois-ci, vers l’intérieur de la baille pour y fixer directement le ridoir. Comme ça, l’effort est retransmis sur les deux jambes du U et non une seule.

Et voilà, maintenant la cadène est fixée sur un pont bien plus épais qu’avant ! Le ridoir pris sur un U de 10mm ne devrait plus casser !;)

 

7 commentaires

  1. Bonjour !
    Je compte installer une trinquette sur emmag sur un 39 pieds.
    Je vais procéder +/- de la même façon que vous, merci pour ce partage d’expérience.
    Une question cependant : un maitre voilier me déconseille cette solution car d’apres lui ce n’est pas fiable au niveau de l’enroulement dans le vent fort, et il est difficile de tendre suffisamment le guindant de la trinquette malgré le moufflage.
    Quel est votre retour sur ces deux points ?

    1. Bonjour,
      En effet en vent fort il n’y a qu’une seule solution pour enrouler : mettre le bateau dos au vent le temps de la manœuvre. Car sinon lorsque la voile bat, elle se déroule. le guindant est suffisamment tendu avec la drisse moufflée, pour remonter au vent, ce n’est pas aussi droit qu’avec un étai mais c’est suffisent pour l’utilisation que l’on a eu.

      Au final on a rarement utilisé la trinquette. je pense que si l’on en a une sur enrouleur toujours à poste on doit beaucoup plus l’utiliser, ce qui est une bonne chose, car on retarde moins le changement de voile à cause du manque de motivation à aller gréer la voile à l’avant.

      1. Bonjour,
        D’abord un grand bravo pour votre site, qui se révèle être un atout très précieux dans notre préparation pour le grand départ !
        Nous sommes justement en train de nous poser la question de l’installation d’une trinquette. Après votre périple, considériez-vous cette voile comme indispensable pour un voyage de type transat/tour Atlantique ? Car nous n’avons pas d’étai largable pour l’instant, donc l’investissement (étai + voile) nous emmène facilement à + de 2000€. Par avance merci !
        Antoine

        1. Bonjour!
          Nous avons très peu utilisé cette voile car elle n’était pas à poste comme une trinquette sur enrouleur. Donc par flemme il faut l’avouer, on roulait souvent juste le génois. Nous avons très peu fait de près, en plus c’est à cette allure que la trinquette devient rapidement indispensable si le vent monte. Alors qu’au portant, un génois enroulé fonctionne bien.

          Donc le mieux et le plus sécurisant, c’est d’avoir une trinquette sur enrouleur en place en permanence… Pour les plus motivés, les autres solutions fonctionnent aussi, mais il faut savoir que parfois, le temps de la manœuvre s’avère suffisant pour que le besoin de la trinquette ne soit même plus justifié.

          Enfin, si vous êtes un peu juste niveau budget, la trinquette peut éventuellement être oubliée, je dirais que ça dépend de votre bateau et de votre parcours. Si vous prévoyez des remontées au vent, c’est quand même une voile intéressante.
          Damien

  2. Bonjour je découvre votre site et suis également sur le coup pour un oceanis 390 d’occaz . A cet effet, jordan si vous le souhaitez nous pourrions échanger nos avis sur le sujet. stef.33.sp@gmail.com

  3. Salut la team, je suis entrain d’acheter un oceanis 390 pour partir du sud de la France vers Raiatea. J’ai grandi dans cette île sous le vent et j’aimerais passer la passe de Teavapiti au portant pour y retrouver famille et amis.
    Je suis tombe sur votre site par hasard et c’est vraiment bien fait. Merci pour le temps investi, tous les conseils en rapport avec ce voilier… c’est super top et ça rend mon projet plus concret !

    1. Merci beaucoup pour votre commentaire ! On est heureux que notre site ait pu vous aider un peu 🙂 Profitez bien de votre voilier, on l’a particulièrement apprécié, c’est un très bon bateau. Bon voyage vers les Îles sous le Vent, on vous souhaite tout le meilleur pour ce périple.

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